silhouette 410
3 janvier 2008 § 6 Commentaires
Courir, courir. Vue d’une rue transversale. Maisons hautes, une église plus haute encore.
C’est comme ça que j’imaginais le début d’un film cette nuit-là. Une course dans la pénombre d’une rue étroite. Était-ce le Malher qui jouait dans mes oreilles ? Était-il responsable de cette vision ? Sans doute, sans doute. Je me voyais dans ce décor et m’étonnais une fois encore. Avais-je rêvé ces années de pauvreté, mais de curiosité extrêmes ? Ce souvenir des mains tachées de graisse noire, de parler lâche, et de petits avions abandonnés dans les hautes herbes. Ces gens que je ne pouvais approcher, toutes ces choses que j’ignorais, que je savais à peine deviner. Le savoir hors de ma portée, enfermé quelque part. (Un jour ce savoir a été devant moi, à quelques pas, pour mieux me tirer la langue et me narguer, pour, avant de me laisser tomber, me prendre et me rendre folle. Il était inépuisable mais fait pour les grosses fortunes et l’on m’avait tant menti. J’en ai regretté, un temps, d’avoir voulu goûter à ces choses.)
À travers la brume de la ville. Dans une rue étroite dont un côté est fermé par une muraille couverte de lierre.
Une course dans le brouillard, donc. Cette ville aux rues sans trottoirs est ma tête. Et le lierre me protége de la folie en cachant ce que je ne peux voir, ou reconnaître. Et j’entends Malher. Et je pense à la poupée mécanique que je peux devenir. Tout autour de moi on parle une langue qui m’est à demi inconnue. Elle résonne doucement, elle voudrait me rassurer. Mais je suis occupée à chercher une preuve : mon pays existe-t-il ? Ai-je rêvé mon passé ?
je crois qu’il faut arr^ter de chercher ce pays .non?
il n’existe pas. Pour moi en tout cas.
profitons de ce qui nous entoure c’est peut-être suffisant.
🙂
Très bon conseil je pense. Merci!
Impossible, il me semble, de s’empêcher de chercher un pays, même imaginaire. Quelqu’un a passé vingt ans de sa vie d’historien a chercher l’île de Calypso. Préférons ce travail, ou cette errance, à beaucoup d’autres – non?
Je fréquente l’endroit depuis quelque temps déjà et j’adore te lire.
Tu écris bien. Quelle évidence ! Je la dis quand même.
Je viens tout juste de lire la correspondance entre Nancy Huston et Leïla Sabbar, où elles échangent sur l’exil. Lettres parisiennes, que ça s’appelle, tu connais ?
Je me suis trompée dans l’adresse de mon humble napperon de café. Voilà.
Ce compliment est bien flatteur venant de toi. Je furète aussi parfois du côté de ce beau « rond » de café tout nouveau. Je ne sais pas pourquoi je n’osais pas pour le moment laisser de traces.
Justement, concernant Nancy Huston, j’avais envie de lire Douze France, mais sans être tout à fait convaincue d’y trouver ce que je cherche. Je ne connaissais pas l’existence de ces Lettres. Ça m’intéresse beaucoup, j’irai voir. Merci pour ce tuyau et pour ton passage!