silhouette 251a

17 février 2008 § Poster un commentaire

Étions-nous fous ? Nous courions la nuit à travers le parc et brandissions des branches. (Kafka)

Étions-nous fous ? Ou bien c’était la fin du monde. Ou bien nous étions pourchassés par des marcassins qui auraient plutôt souhaité pourchasser leur mère. Il reste que c’était notre loisir. Nous brandissions ces branches au bout desquelles brûlait un feu d’enfer qui devenait feu de joie. À cette heure, le parc s’était refermé sur nous, recroquevillés à temps entre de drôles de buissons. Nous avions observé les gardiens. Ils circulaient comme des gendarmes aux chiens baveux. Il fallait glousser sans faire de bruit, il fallait se moquer très bas des pauvres pantins casqués en retenant fort entre nos doigts boîtes d’allumettes : tout ce qu’il avait fallu prendre pour la nuit qui menaçait au moindre geste d’échapper à nos poches trouées. Ils faisaient une dernière ronde puis on entendait les grilles se refermer dans un long grincement qui annonçait les réjouissances. C’était convenu entre nous : il fallait avoir entendu une treizième fois le pas relâché des pantins fatigués puis compté jusqu’à trente-six pour enfin sortir de notre cachette.

Puis au coup d’envoi nous nous répandions, comme la vermine rampait sur la tête de nos pères, sur les sentiers du parc. D’abord en silence puis bruyamment suivant l’apparition des étoiles. Nous allumions les branches choisies, nous courions à perdre souffle, pourchassés par les uns et les autres, et de haut, nos mains à couper : on aurait pu dire des lucioles. Nous dessinions dans la nuit des rubans de lumière : les courbes en saccade suivaient nos bonds, comme nos cris. Oubliés les pantins, le pain rassis : veiller seulement à ne pas tomber en glissant sur l’herbe hypocrite.

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Méta

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