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30 juillet 2008 § 10 Commentaires
Si j’avais un peu de cran aujourd’hui, j’écrirais sur ce que peut signifier la fin du droit de sourire sur les photos d’identité. J’écrirais sur les drôles d’oiseaux qu’on voit déambuler à Paris au mois d’août, en l’absence de la plupart des franciliens travailleurs. J’écrirais sur la disparition du son “in” et du son “è” dans l’Hexagone, qui expliquent une certaine catégorie de fautes de français que l’on trouve partout, même dans les livres les mieux édités (confusion entre temps conditionnel et futur simple par exemple). J’écrirais mon impression sur ce papier lu dans Le Devoir ou ailleurs je ne sais plus, qui faisait recension d’un commentaire de Paul McCartney affirmant à quel point il a aimé faire son spectacle québécois : je me dis qu’on a tant besoin, au Québec, d’être rassurés sur notre valeur, et j’ai parfois l’impression désagréable de trop ressembler à mon pays sur cette question… (“Oh oui, dites-moi, dites-moi que je suis à la hauteur, pour que je n’aie pas à m’en convaincre moi-même, en travaillant, par exemple.”)
Je repense souvent à ce commentaire entendu à la radio il y a un an environ, à l’inauguration de la nouvelle fontaine soulignant le 400e anniversaire de Québec (à moins qu’elle n’ait été érigée pour une autre raison?, je ne sais plus). Une dame, participant à une sorte de vox pop, déclarait très émue : “ C’est tellement beau !, c’est pas mêlant [sic ?], on se croirait dans un autre pays ! ” Ce commentaire spontané, de même que la réélection systématique du boursouflé Charest, me fait douter d’une progression de la confiance en elle-même de la société québécoise depuis la fameuse tranquille révolution. Pourtant, c’est vrai, et en France on me le chante sur tous les tons, sur bien des points la belle province est un paradis sur Terre, une sorte de juste milieu entre l’american way of life et la french attitude. Je ne compte plus combien de fois on m’a dit depuis mon arrivée (et même une agente d’intégration à l’obtention de mon titre de séjour) : “ Vous êtes du Québec ? Mais pourquoi diable vouloir venir vivre en France ?? ” (J’ai volontairement omis de mentionner à l’agente que je revendique, en quelque sorte, le statut de réfugiée de la culture. Et que j’en avais marre d’attendre infiniment le 55 coin Bernard et Saint-Urbain pour le voir arriver trop plein.) Je ne compte plus, non plus, le nombre de fois où une personne que je ne connais pas m’a dit se sentir personnellement interpellée par le Québec : ses grands espaces, sa simplicité, ses sourires, et surtout, surtout, grand dieu (et malgré ce que certaines commissions semblent révéler), son ouverture… Et nous, pendant ce temps, nous réjouissons de la beauté d’une fontaine grotesque nous donnant presque l’illusion d’être dans un autre pays? Quelle drôle de société un peu molassonne. Et comme elle me manque !
Cette histoire de toujours souligner nos bons coups et de répéter à la une les commentaires positifs d’étrangers qui, au fond, n’ont rien à crisse de nous ne relève pas seulement d’un complexe d’infériorité, mais aussi, et bien que cela puisse sembler paradoxal, d’un bon fond de chauvinisme et de racisme (« les étranges, ils l’ont donc pas l’affaire »). Méfiance et dépendance de l’étranger causent dans notre « personnalité nationale » un conflit insoluble qui ne pourrait être résolu qu’au terme d’une psychanalyse panquébécoise de plusieurs années (je dis presque n’importe quoi hein?)
(Deuxième commentaire, le premier étant déjà bien assez long comme ça)
Des Français s’étonnent qu’on veuille quitter le Québec (comme je m’étonne qu’un Français vienne ici). Ils ne connaissent pas les boulevards Tashereau et Métropolitains, routes Kennedy et autres désastres d’aménagement du territoire (parcs de roulottes, développements de monster house cheap sur le bord de la 20, escaliers d’aluminiums dans les quartiers historiques, le clabord partout). On en aura une bonne idée dans ce reportage de Zone Libre
J’ai vu des horreurs en France, mais il y a une tradition de classe et de beauté que je retrouve pas ici.
Dernier commentaire, pour te scandaliser comme du monde cette fois. Je me suis habitué à Patapouf. Il faut dire qu’il ne fait plus de promesses démagogiques (les défusions) et qu’il s’est en quelque sort approprié le programme social qu’on ne voyait tranditionnement que dans le PQ : places en garderie, santé, environnement, etc. Le PQ est malheureusement prisonnier de son orientation souverainiste et est condamné à virevolter de la droite à la gauche (l’une comme l’autre bien centrées) au gré du changement des chefs (je me sens infiniment plus proche de Jean Charest que de Lucien Bouchard par exemple). L’élection de Stephen Harper, les percées conservatrices et adéquistes m’inquiètent bien plus que le PLQ.
(c’est tout là)
Mmmh. Intéressant. Côté racisme, j’ai cependant l’impression de voir pire ici. (Mais je sais que le but n’est pas nécessairement de savoir qui est le pire… Et puis Paris n’est pas la France. Enfin.)
Réponse au deuxième commentaire: Pour la beauté, bon, ok. Mais ça crée d’autres problèmes… Comme une société figée, un peu trop encarcanée dans ses hiérarchies, qui n’a plus de places pour loger ses habitants parce que des règlements interdisent de construire des gratte-ciels qui briseraient l’harmonie…
Au troisième commentaire: Scandalisée? Non, ton point de vue est sans doute mieux élaboré que le mien, mais vraiment, moi je ne suis plus capable de sentir la « boursoufle ». Quant à Harper et Dumont, je préfère ne pas aborder ce sujet tant ça m’anéantit…
(L’impression d’avoir mis le pied sur des terrains qui ne me vont pas si bien, mais c’était plus fort que moi.)
En ce qui concerne les autres sujets de ton billet : tu devrais voir la gueule de raie que j’ai sur mon permis de conduire; mon fils écoute parfois « Petit ours brun » (prononcé brin, évidemment), mais quand je lui fais répéter, il corrige inconsciemment l’erreur. Ne crions pas au génie, il a par ailleurs un sale accent Montréalais avec lequel nous devons apprendre à vivre.
Inutile de comparer un Boursoufflé et un Racorni – d’autres ont droit à un Pantin, d’autres encore à un Homoncule.
Mais on s’étouffera, ici (je veux dire: ici, pas là, n’est-ce pas?) de hiérarchies; on en restera fier jusqu’au bout de ces pyramides sous quoi on disparaît, fier de les faire tenir debout. Ici plus qu’ailleurs, les récompenses servent à rabaisser.
Enfin, il y a d’immenses bibliothèques, et pour cinq eurodollars, des films en noir traversés de vieilles authentiques stries.
Youpi! Je n’ai jamais eu autant de commentaires pour un billet! (Hem. Excusez-la. Mais plus fort que moi encore une fois: je sautille. “C’est tellement beau, je me croirais sur un autre blog!” )
Petit ours “brin”, j’imagine bien!
Hobbes: Oui, vive les vieilles stries qui font scroutch et les poussières géantes! Et les gros rideaux en velours rouge dans les salles à dix places!