un green quasi gris
13 janvier 2008 § 3 Commentaires
J’essaie de me souvenir : le plaisir ressenti au jeu de se perdre. Toute petite, avec une amie (elles étaient rares, on ne pouvait pas trop choisir), on traversait le petit bois, puis, l’agaçante obligation de traverser un terrain de golf qui nous paraissait immense pour atteindre la vraie forêt « à Rita Beauchemin ». Me prenait l’idée, cette fois, de nous perdre sur le terrain de golf avant de rejoindre la forêt épaisse. Le jeu : faire semblant d’être égarées dans un désert. Avec très peu de vivres. Quelques biscuits goglu et de la limonade rose, tristes gourmandises de pauvres, et mal assorties. Il n’y avait personne. On y croyait vraiment, on pleurait presque, on gémissait entre deux rires, allongées sur un green rendu gris par l’hiver récent. Et le jeu d’éclater à l’arrivée d’un idiot de fils du propriétaire. Beau lui dire avec conviction que nous étions perdues, il nous demandait de ne pas abîmer le terrain et de quitter les lieux. Magie rompue.
Plus tard, comme tout le monde sans doute, j’allais connaître non plus le jeu, mais la souffrance (est-ce exagéré ? je ne pense pas) de l’égarement. La première fois, la douleur d’être perdue dans l’autre, fille ou femme ou homme, la conscience de ne tenir qu’à un fil, et de ne pas avoir de mère. Un peu plus tard, le sentiment de perdre la tête. Puis, tête retrouvée à force de travail et d’acharnement un peu au hasard, c’est au tour du passé et de l’identité. Les perdre pour les refondre : nouvel alliage, nouvelle volonté peut-être. Et le caractère, lui, tenant toujours. Le caractère est peut-être une main de marionnettiste. La main tient tous les fils et m’articule. Sans elle : un tas de chiffon, plus de mots et puis plus rien.
(À Mo K)
contorni
26 décembre 2007 § 2 Commentaires
Les contours de cet endroit sont encore mal définis.
C’est tout flou. (ah la jolie chanson d’Anne Sylvestre qu’on entend jamais)
Ça me plaît bien. C’est encore libre. Et j’y réfléchis. Et puis ça a failli disparaître. C’est sauvé des eaux. Que vais-je faire de toi, « Hemingway » ? Qu’importe. Ça prendra tout seul ou ça ne prendra pas.
seconde tentative
20 décembre 2007 § Poster un commentaire
Je n’en pouvais plus de cet affreux lieu. Ouf. Encore une désertion? C’était un déménagement ou une fermeture définitive. J’optai pour cette alternative.
Carte à la mer
4 novembre 2007 § 2 Commentaires
C’est fou le temps que je passe à m’inquiéter pour ce que devient mon pays. Je n’ai jamais été autant politisée (je pourrais l’être encore bien davantage mais bon) que depuis cet éloignement. Je recevais il y a quelques semaines ma carte de membre de l’un des partis en place (eh oui, elle a traversé l’océan, l’est arrivée bien sèche : ça m’étonne, vu le matériel avec lequel on l’a fabriquée). Je me retrouve déjà, ladite carte en main, en profond désaccord avec certaines idées mises de l’avant.
Me redonne des envies d’étang à Walden.
un an…
24 octobre 2007 § 5 Commentaires
… que je suis exilée, aujourd’hui. Un an plus tard : quelque chose comme une sérénité s’est installé (à condition de ne pas trop m’attarder au contexte politique de chez moi comme d’ici, et d’aller parfois prendre une grande respiration hors des murs). Quelque chose comme du calme, donc, avec de plus en plus de capacité à observer et noter, et avec l’impression d’être plus près chaque jour de ce que j’ai très envie de faire.
Calvados
8 octobre 2007 § 1 commentaire
Bref passage en Normandie pour y constater les traces de ma culture alors que je ne m’y attendais pas du tout. Dans cette minuscule ville du bord de mer, me serait crue dans quelques petites rues du quartier St-Jean-Baptiste, celles qui bordent les escaliers descendant en basse-ville. Couleurs changeantes, trottoirs étroits, corniches similaires.
Et sur les maisons, les modestes villas, des noms familiers. Ça valait bien un bon coup de calvados
Misères
12 juin 2007 § 1 commentaire
J’ai trempé mes mains dans de l’huile sombre, puante, et les ai égratignées à la laine d’acier. Écrasé des centaines de nids de fourmis sans savoir. J’ai couru jusqu’au bois, à la noireté. Puis sans *** sur les trottoirs chics.
J’ai astiqué les livres, les ai emballés au cellophane, caressés, lus, déballés, reçus, retournés, détestés, ignorés, dévorés, envoyés. Résumés. Critiqués. Pour des dames ou des messieurs. Pour trois fois rien. Pour des misères.
J’ai éternué avec grâce.
J’ai hébergé une fois mademoiselle Lili. J’ai dû faire adopter Nana. J’ai fait pousser des herbes hautes. Quatorze fois j’ai cherché ma maison. J’ai pleuré dans les institutions financières et les couloirs souterrains du savoir. J’ai fait mourir nombre d’espoirs dans la métropole. Il a fait très chaud, et très froid. Il a fait bon au coin du feu.
Je n’ai pas appris la deuxième langue.
Je traverse l’Atlantique à la nage. Non. À la petite cuillère.
Je cherche une forêt. Une raison.
De la terre sous les ongles
4 juin 2007 § Poster un commentaire
On voudrait s’endormir le soir avec encore un peu de terre noire ou bien de terre glaise sous les ongles. Un film de sable sec sur les avant-bras. Des restes de la journée. Des preuves.
Des odeurs de corps, des corps puants de vie.
(Être si près du but qu’on ne le voit pas.)
Le malheur de la pauvreté:
18 avril 2007 § 2 Commentaires
La poésie. Maintenant qu’on habite en elle, en la ***, peut-être faudrait-il laisser couler, cesser de lutter, ne plus être contre elle, mais à même elle.
Et puis il s’agit de folie. On a toujours été à deux doigts d’elle aussi. Elle nous regarde du fond de la salle, appuyée contre le mur, dans un bar enfumé; elle était déjà là à nous guetter, dès les premiers gestes libres, à la naissance des seins. Maintenant qu’on est déracinés, elle nous observe cette fois appuyée contre la pierre d’un coude de la rue ***, dans ses habits échancrés et criards. Elle menace la beauté simple et délicate de cet ***.
Utilités
2 avril 2007 § 1 commentaire



