le cahier

17 septembre 2018 § Poster un commentaire

 

Il regarde tous les matins son cahier, pour se rappeler sa vie. Et chaque matin il en efface une page.

(sur papier quadrillé, manuscrit – circa 2003)

 

 

urgence

18 juin 2015 § Poster un commentaire

Tous les matins il hésitait entre l’escalier et l’ascenseur. Du coin de l’œil il pouvait voir les plans d’issues de secours, en regrettant de n’avoir jamais eu à les emprunter. Jamais, jamais il n’y avait eu d’urgence.

petites annonces

28 avril 2014 § Poster un commentaire

 

habitons pomme d’intranquillité
où circulent les vers
en vedettes de l’humour
qui n’ont rien à transporter
qu’un système digestif

cherchons un abri
contre grêle et intestin

c’est urgent
on fatigue

 

 

rumeur

20 janvier 2014 § Poster un commentaire

 

un reflet brisé
une onde interrompue
le cri manquant

un doigt sur ta bouche
en bouclier fendu

la tête dans le ventre à force

 

soie

26 février 2012 § Poster un commentaire

 

un arc tendu
pas un pont mais
comme un tissu étiré
ne peut choisir

et dans les plis
noms secrets d’amertume
transmuée en douceur
(l’effet des kilomètres)
(de l’effort)
ceux qu’on a embrassés
même pour rien

 

 

blanc

22 juin 2011 § 2 Commentaires

On pourrait marcher la tête en bas, ce serait pareil : le blanc. Le ruisseau Rimbaud gelé. Traverser le pont de terre qu’on devine à peine. La neige fouette le visage. Jouer à imiter la mort : imaginer ce que pourrait être une vraie béance. Couchée sur le blanc, le laisser s’accumuler sur soi, et penser de petits animaux extraordinaires. Mais, en réalité, jamais qu’un passage, leur passé. Les petits animaux : invisibles. Regarder leurs traces s’effacer rapidement avec le vent et sous l’ajout continuel : la poudrerie. Juste au-dessus, dans le ciel, de petites taches dépolies qui tombent, faisant un léger bruit, perceptible ici seulement, à l’orée du bois, à l’abri. Éprouver l’intacte solitude de l’enfance, la conscience triste du zéro, et de la matière. Se douter de la douleur, de la rareté. Ne s’apercevoir jamais. S’obliger à croire la beauté.

Par terre des traces. Mais où sont les animaux ? Êtres vus de ce que l’on ne voit pas. Les petits animaux extraordinaires nous voient sans être vus. Pouvoir ainsi les croire magnifiques, avec leurs mystères, leur langage obscur. Et pour la saison leur pelage est blanc. S’asseoir sur la glace du torrent gelé, de la voie creusée, perpendiculaire à la montée; souffler, dégager la poussière froide de sur ce miroir. Mais ne rien voir : aucun reflet, aucun poisson dessous. Qu’un frimas opaque, épais, solide, et des joncs figés, les quenouilles cassées sous le poids du froid, piquant, plongeant vers le bas, comme mes tresses balaient la glace. Agenouillée sur le ruisseau de verre, imaginer le loup, le lynx. Ouvrir les genoux, ouvrir l’œil et trouver du maïs, durci, tombé de la montée, ignoré des oiseaux.

Marcher sur la montée jusqu’à la forêt. Odeur de résine. Entrer.

 

 

feutre

6 juin 2011 § Poster un commentaire

tu as mis ta cigarette dans son oreille
crépitement
ses cils de fille
ce corps à bout
nerveux
et ce verre cassé qui flotte
entre sa mère et elle
(feutre jaune entre deux murs muets)

on veut cette arme secrète toujours
et du cran
des yeux ouverts et tournés vers le haut du monde
des cages ouvertes
une fuite
avec de l’herbe mouillée et des bottes à crampon

cramponne-toi
le pas court
saccadé
tes jambes n’en finissent pas de mourir sur le trottoir
des envies de secousse
des envies de secousse
de batailles
d’une rue qui se fend
par le milieu

pourquoi ta bouche ne s’ouvrit-elle jamais ?
des mains qui disaient bien le désordre
là ça ne fait plus de bruit du tout
c’est immobile, ça meurt
et alors ça ne fait plus de bruit du tout
jamais plus de secousses

ni de bruit.

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George

23 février 2011 § Poster un commentaire

Folie du lieu : on se roule sur le matelas mou. Sous le portrait de George Sand. Il faut aller très loin, toujours. Sous le regard de George. Je vois le ventre de mon amie, son nombril. Ses yeux minuscules, beurre, noisette.

Il faut dormir. Je ne veux pas. Je ne peux pas. Je veux aller très loin très tard. Sur la respiration de mon ailleurs, ce soir-là je me couche. Nous avons avalé plus tôt une limonade bleue. Aussi la bouche de mon ailleurs est bleue, entrouverte pour la respiration, mais elle n’attend plus rien de notre monde éveillé. J’envie cette bouche, j’envie l’absence de mon ailleurs. Moi je suis désespérément là.

Que cache ce silence étranger ? situé hors des limites de l’immobilisme que je supporte ? Que cache cette maison dont les nuits me sont quasiment inconnues ? Derrière les craquements, légers, tout un pan d’existence vers lequel mon corps se tend, entier, existence d’une autre misère, celle de mon ailleurs, de mon amie : Françoise. Un chiot malade endormi.

Où suis-je ?

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